Pigiste, la course aux obstacles
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Vous connaissez le 3 000 mètres steeple ? Sept tours et demi de piste, 35 obstacles à franchir, dont sept rivières.

Eh bien pigiste, c’est un peu comme le coureur de steeple qui débute. Qui refuse l’obstacle par peur de tomber. Qui se vautre complètement -ça arrive aussi aux athlètes confirmés. Illustration :

Si elle prête à sourire, la métaphore recèle une part de vérité. Pigiste requiert de s’imposer comme une « référence » auprès de certains médias.

Traduction : s’ils acceptent quasi systématiquement vos propositions de sujets, ils vous appellent le jour où ils ont une commande spécifique. Car ils vous font confiance.

Mais cela prend du temps. Beaucoup de temps.

Après plusieurs années à travailler dans le milieu de l’athlétisme et de la course à pied, je cherche à élargir mon horizon, sur des sujets plus sociétaux.

Premier sprint pour se placer dans le peloton des journalistes : trouver un (bon) sujet.

Première barrière, ça joue déjà des coudes : vérifier que ce sujet n’a pas déjà été traité. Si c’est le cas, trouver un angle différent, une façon de l’appréhender qui tranche.

Première rivière : s’enquérir d’un média pour le publier. C’est la chasse aux contacts : journalistes, rédacteurs en chef, chef de rubrique etc…Si votre prospection n’aboutit pas, passez par les standards téléphoniques des journaux. Avec un peu de chance, au bout du deuxième ou troisième interlocuteur, vous obtiendrez un email…

Troisième rivière, le pied glisse sur la barrière : votre email reste désespérément sans réponse. Vous renvoyez le même une semaine plus tard.

Quatrième rivière : les muscles se raidissent, la lucidité s’amenuise. Toujours pas de réponse. Vous cherchez à obtenir un numéro de téléphone. Par le truchement du standard. Par le pote d’un pote qui connaît quelqu’un. Sur Messenger, Twitter ou autres réseaux professionnels tels Linkedin.

Deux tours de l’arrivée : la fin approche, vous retrouvez de l’allant. Vous avez gratté le numéro du rédac’chef ! Bon, il ne répond pas. Message sur répondeur, plus texto. Trop insistant ? Au moins, vous doublez les chances d’obtenir un retour.

Avant-dernière rivière : à la cinquième relance il (ou elle) vous répond ! Surtout, ne pas s’emballer. Rester focus. Etre précis, convaincant. « Oui, votre sujet est intéressant, mais peut-être qu’il manque un brin de quelque chose même si ça peut éventuellement nous intéresser dans un proche avenir ». Le pied tape la rivière, c’est la culbute. Tête la première. Il reste 500 mètres, vous ressortez essoré. La lâche et obsédante pensée de l’abandon cogne aux tempes tel un marteau piqueur.

La cloche, un tour de l’arrivée : vous titubez de fatigue et de lassitude, vous avez envie de fracasser le marteau piqueur qui maltraite votre cerveau endolori, mais dans un sursaut d’orgueil, vous tentez votre chance avec un autre média.

300 mètres de la fin : miracle, le second rédac’chef est intéressé.

Ligne droite d’arrivée : la fin, ouf ! Euh non, c’est plutôt la faim, car après avoir passé des heures à tenter de décrocher ce satané sujet, un petit casse-dalle s’impose, avant d’attaquer le (vrai) boulot, celui qui vous passionne : enquêter, rencontrer des gens, écrire le papier. Paré pour un nouveau steeple, quoi.

C’est ce que pléthore de pigistes vivent, et que j’ai pu « expérimenté » sur un sujet sur le djihadisme au théâtre, que j’avais pensé (à tort) avoir vendu à un média. J’ai bien essayé d’autres publications, ce fut proche d’aboutir…mais cela n’a, à ce jour, pas abouti.

Découragement, lassitude, d’autant que le sujet est écrit, que des personnes ont pris de leur temps pour répondre à vos questions -vous avez la désagréable impression de passer pour un vulgaire fumiste.

Abandonné ? Oui, cela traverse l’esprit. Mais c’est comme le steeple et l’athlé, ça. Il faut rebondir. Repartir, quitte à se prendre une nouvelle gamelle. Jusqu’au jour où vous maîtriserez votre sujet et où l’on vous répondra du premier coup au téléphone -peut-être bien qu’on vous appellera, même.

Allez, une compile pour la route !?

 

 

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