Six affaires judiciaires très médiatiques. Six plaidoiries. Richard Berry, seul sur scène, les fait revivre avec brio dans son spectacle éponyme. Il joue actuellement les prolongations à Paris.
Véronique Courjault. Claude Erignac. Christian Ranucci. Maurice Papon. Zyed Benna et Bouna Traoré, Michèle Chevalier. Sept noms que rien ne relie. Si, en fait : ils sont associés aux grandes affaires judiciaires françaises du demi-siècle passé.
Directement inspiré de la reconstitution de Matthieu Aron, auteur de l’ouvrage Les grandes plaidoiries des ténors du barreau, Richard Berry revêt la robe noire. Charismatique, il prend possession de la scène.
Dans la peau d’Henri Leclerc, il désigne une Véronique Courjault imaginaire dans son box, qui a tué trois de ses nouveau-nés.
« Pourquoi donc aimons-nous encore une femme qui a fait une chose pareille? ». Parce que cette mère n’est pas « un monstre », mais « une femme douce, sensible et appréciée de toute sa famille et de tous ses amis ».
Le rôle d’un avocat ? Manipuler la vérité ? Plutôt, « éclairer les faits d’un autre point de vue » dit-il de la bouche d’Henri Leclerc.
« Je vous demande l’impossible car l’impossible me paraît juste »
On se confronte à la réalité du déni de grossesse. On réfléchit. On s’interroge par-delà la condamnation de l’instant primaire, provoquée par les émotions et les passions d’abord suscitées lorsque l’affaire nous est rappelée, à travers la mise en scène sobre et efficace d’Eric Théobald.
Non, comprendre, c’est tout sauf excuser. Définitivement. Le rôle d’un avocat ? Proposer la meilleure peine possible –si tant est qu’il y en est une. Pour la(les) victime(s). Pour le prévenu(e). Pour la société. « Je vous demande l’impossible car l’impossible me paraît juste » clame Richard Berry.
Ces grandes plaidoiries racontent notre société, ses principes fondateurs et leurs évolutions.
1974. Dans la peau de Paul Lombard, le comédien tonne, regard vers la droite, en direction d’un Christian Ranucci fictif, qu’il veut arracher à la peine de mort.
Deux ans plus tôt. Marie-Claire est violée. Elle tombe enceinte. Marie-Claire a 16 ans. La lycéenne décide d’interrompre cette grossesse et sollicite l’aide de sa mère, Michèle Chevalier. Celle-ci est poursuivie pour complicité d’avortement. Gisèle Halimi la défend.
Dans sa peau, Richard Berry exhume une vibrante plaidoirie en faveur du combat des femmes à « avoir le droit de disposer de leur corps ». C’était il y a un demi-siècle, à peine. Aujourd’hui, le combat n’est pas terminé, témoin la déferlante « Me too ».
« Sans justice, pas de paix sociale »
Le procès Erignac est interminable. Face à la détresse de Madame Erignac, Richard Berry incarne l’avocat Philippe Lemaire, qui convoque les vers de Louis Aragon (Le roman inachevé). Des mots non pour convaincre, cette fois-ci, mais pour apaiser la peine de Dominique Erignac.
Adieu la peine et le plaisir
Adieu les roses
Adieu la vie
Adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Retour dans les prétoires. Tendre puissance des mots. Captation de l’auditoire. Richard Berry, alias Jean-Pierre Mignard, s’échine à prouver la culpabilité des policiers dans l’affaire Zyeb et Douna. Ils seront acquittés, après appel.
« Sans justice, il n’y a pas de paix sociale ». L’éclatante performance de Richard Berry se télescope dans l’actualité bouillonnante. Sans justice fiscale, il n’y a pas de paix sociale…et climatique.
Ce pourrait bien être une future grande plaidoirie…
Plaidoiries, Richard Berry, jusqu’au 31 décembre au Théâtre Libre – Comedia à Paris.