Championnats de France de courses en montagne : une première façon marteau piqueur
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Il y a d’abord, l’exquis plaisir d’épingler un dossard. Ce n’était pas arrivé depuis près de 9 mois, suite à l’irruption du coronavirus.

Il y avait quand même cette incertitude que la course soit annulée incontinent la veille pour le lendemain, comme ce fut le cas au tout début de l’épidémie, pour le semi-marathon de Paris.

Il y avait, donc, ce cœur qui palpite à la mesure que l’heure du départ approche, qui s’emballe même à l’idée même de plonger, à la toute dernière minute, dans l’inconnu et une première course en montagne.

C’est que j’avais prévu de faire les Templiers, le 18 octobre prochain (78km). Dans cette optique, j’ai passé une bonne partie des mois d’août et de septembre dans les montagnes pyrénéennes.

Mardi 22 septembre, les Templiers suivent la litanie de courses annulées, les organisateurs les plus coriaces et les plus investis devant s’incliner non devant les protocoles sanitaires draconiens qu’ils parviennent à satisfaire au prix de contorsions cérébrales et de nombreuses nuits écourtées, mais devant des mesures gouvernementales, et locales avec les préfets qui les appliquent et/ou les adaptent, qui n’autorisent tout bonnement pas de larges rassemblements.

« Carré blanc sur les Templiers » titrent dans l’objet du mail les organisateurs. Et carré noir dans nos têtes.

Garder la foi

Tout en salivant tous les jours de galoper en montagne, comment conserver sur le moyen terme la motivation devant des objectifs qui s’évanouissent les uns après les autres, comme si l’aube ne se levait jamais le matin ?

(Tenter de) rebondir, c’est garder la foi (et son foie intact), scruter la moindre ligne du calendrier des courses, et sauter sur tout ce qui bouge, sur chaque course à laquelle un astérisque n’est pas accolé.  J’en conviens, il n’en reste pas beaucoup et ça peut être l’occasion d’entamer un tour des villages de France…

C’est ainsi que je me suis aperçu, jeudi 24 septembre, que les championnats de France de montagne, avaient lieu trois jours plus tard, à l’autre bout de l’Hexagone, près de Gap. Il était encore possible de s’inscrire jusqu’au vendredi midi. Un texto pour recevoir l’aval de la coach. Banco.

 

 

Footing de veille de course. Quelle route emprunter?

 

Tenter de valider de grosses semaines de préparation par une course, même si le format se situe à l’opposé de ce que je préparais initialement : 12,5 km, 850 m D+, trois bosses et autant de descentes, dans un concentré de sprint-résistance. Et effectivement, j’ai payé pour apprendre !

Qui dit inscription de dernière minute dit logement de dernière minute. Donc pas de possibilité de reconnaître le parcours. Donc nécessité de faire une heure de route le matin même.

A la vue des vidéos qui ont défilé la veille de la course, le curseur de l’appréhension grimpe. Ça se descend comment les sentes sous trente centimètres de neige ? En raquettes ? Et moi qui ait oublié et mes gants et un collant long…

Qu’à cela ne tienne, ce sera échauffement en jean, et les manchons au bout des doigts. Et, coup de chance, le soleil pointe le bout de son nez, la neige fond sur le sentier principal –pour doubler un concurrent les quadriceps déjà bien sollicités s’enfoncent dans la poudreuse, les doigts désengourdissent et le cœur cogne.

Les coureurs en montagne ne sont pas électrisés comme au départ d’un France de cross. Le sas de départ ne se remplit qu’à trois minutes du coup de feu et l’ambiance est chaleureuse.

300 mètres en léger faux plat montant, tous en masques avant vite de le mettre dans la poche quand la photo de groupe a été prise, virage à gauche et premier mur à plus de 30%.

La peur du vol plané

Sur le profil, des couleurs de plus en plus foncées annoncent de forts pourcentages.

Sur le terrain, le cœur est dans la main, « c’est quoi ce truc ?! Il n’aurait pas été inutile de repérer le parcours ! », dans le top 20, à gérer son souffle, les glissades sur les parties un tantinet verglacées et bien boueuses, deux bornes ainsi pour atteindre au sommet de la première bosse, virage à droite, la foulée s’allonge, le corps s’équilibre, la descente s’amorce.

Gérer les appuis sur un terrain mi boueux, mi neigeux (« si j’avais su, j’aurais embarqué les pointes de cross, j’aurais humé le parfum de France de cross annulés cette année »), rester lucide, être agile entre les pierres qui se font jour, se relâcher, sans oublier de regarder une demi-seconde à droite, une demi-seconde à gauche pour embrasser ce décor féérique, ces montagnes habillées de neige dans lesquelles, serpentent, à quelques centaines de mètres, la tête de course, ces coureurs endiablés qui traversent et fendent la forêt.

Jour de course

Très vite, la sente se cabre un peu plus. Il faut s’engager. Je me désengage. Le corps regimbe, la peur du vol plané me serre les entrailles – due à une série de violentes chutes en vélo que mon cerveau n’a pas oubliées.

Et derrière, ça klaxonne sévère. Des coureurs bucherons qui plongent sans filet, un vrai terrain de jeu et d’expression, isards nés dans la montagne qui tronçonnent la descente à grands coups de moulinets : comment est-ce possible de cavaler aussi vite sans se fracasser le crâne contre un rocher ?

La cervelle prend des coups de marteau piqueur. L’espace de quelques minutes, sourd l’idée de s’arrêter, se calfeutrer dans un bout de forêt et juste profiter du paysage. C’est un accablement. La fatigue se fait sentir dans la deuxième bosse –je suis capable de courir mais je marche, étourdi par vingt premières minutes de course en apnée et par le manque de fraîcheur né d’un dernier gros mois de travail.

Queue de poisson

La deuxième descente est pire que la première. Dans le rétroviseur, coup de volant à droite, coup de volant à gauche et une belle queue de poisson. « T’es en montagne, ici ! » s’énerve un vétéran, qui me passe en TGV. Sous-entendu : « apprend à descendre avant de te lancer dans ce genre d’entreprise, toi le routard ».

Heureusement, les mots de certains siéent davantage à l’esprit paisible des lieux. « Détend-toi, tu ne joues pas la gagne. Respecte un peu les autres ».

Mes jambes lui retourneront sa remarque, à ce vétéran qui pense que la montagne lui appartient à lui seul, quand je me remettrais un peu d’aplomb dans la dernière bosse, le dépassant à petites foulées alors que lui crachera ses poumons, couché en deux titubant dans la pente les mains sur les genoux, au milieu d’un amas de coureurs en marche vers un troisième souffle illusoire. Chacun ses qualités, cher ami.

Les miennes, ce ne sont pas les descentes (techniques), et il va falloir y remédier sérieusement.

Passer la franche déception, se souvenir du bonheur de remettre un dossard, se remémorer la satisfaction de sortir de sa zone de confort, trouver les clés pour progresser et vite zyeuter sur le calendrier, dénicher une autre course avant que les portes ne se referment définitivement sur cette saison si particulière.

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