L’exaltante plongée dans « Le Grand Bain »
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Pour son premier film seul derrière la caméra, Gilles Lellouche, qui a drivé un casting surchoix, livre une comédie drôle et émouvante, sans (quasiment) boire la tasse.

Non, un rond ne rentrera jamais dans un carré. Non, un carré ne rentrera jamais dans un rond. Non, Benoît Poelevoorde ne parviendra jamais à réaliser une « godille » ou autre rétropédalage, techniques bien connues des amateurs(trices) de natation synchronisée.

Outrepasser la logique. Défier et le rationnel, et les préjugés –des hommes qui font de la natation synchronisée, non mais quelle idée !

« Le Grand Bain », c’est l’histoire d’une équipe de bras cassés, malmenés par les affres de l’existence.

Bertrand (Mathieu Amalric), rapiécé par la dépression.

Marcus (Benoît Poelevoorde) qui clope autant de cigarettes qu’il ne coule de boîtes.

Laurent (Guillaume Canet), avare de sourire et mine renfrognée à la suite d’un divorce et d’une mère malade.

Simon (Jean-Hugues Anglade), rockeur raté en charge de la restauration dans une cantine et qui ne connaîtra jamais la gloire dans sa vie, dixit sa fille.

Thierry (campé par un épatant Philippe Katherine), employé d’une piscine et symbole du remplacement de l’humain par la machine. « A quoi je sers ? – Bah, à ranger les bouées ».

Quatre hommes (en fait sept avec John –Félix Moati, Basile –Alban Ivanov et Avanish –Balasingham Thamilchelvan) pour qui les galères s’évanouissent à chaque (pseudo) entraînement. Leur vie va retrouver un authentique sens autour d’un fol projet : participer aux championnats du Monde de natation synchronisée…masculin.

L’une, manie le bâton, l’autre…la prose

Sept hommes ? Sept hommes et deux femmes, plutôt. Car il faut bien les coacher, ces apprentis « danseurs-nageurs » incapables de rester moins d’une minute en apnée sous l’eau, et pour lesquels la grâce inhérente à la natation synchronisée, ne va, comment dire, pas de soi.

C’est là l’un des exploits de Gilles Lellouche : avoir mis à l’eau ces mastodontes du cinéma, à qui il aura fallu près de six mois d’entraînement intenses pour être crédibles, et de façon lumineuse, à l’écran.

Deux femmes, incarnées par Amanda (Leïla Bekhti) et Delphine (Virginie Effira), fracassées elles-aussi par l’existence. Le duo a trusté les podiums. Il s’est fissuré à la suite du grave accident d’Amanda, abandonnée par Delphine, qui, prise de remords, trouvera sa rédemption dans l’alcool.

« Libérez la femme qui est en vous » enjoint Delphine à ses ouailles.

Deux femmes aux méthodes opposées. L’une manie le bâton, l’autre…la prose.

Deux femmes dont la complicité va renaître pour que s’opère, non sans écueil, la transformation de quinquas bedonnants en quinquas virevoltants dans l’écume d’une piscine à l’autre bout de la Norvège ; dans l’écume ballottée d’une vie où tous, finalement, gardent la face pour goûter quelques précieux instants de bonheur.

Où la solidarité (à commencer par celle de Claire, la femme de Bertrand jouée par Marina Foïs, auteure d’une longue réplique mémorable dans un supermarché) et l’entraide prennent le pas sur les préjugés et le mépris qu’essuient ces destins cabossés.

Si le scénario est parfois attendu (le résultat final des championnats est téléphoné : le chemin parcouru ensemble compte plus qu’un bout de métal), on ressort ragaillardi de cette comédie tout à la fois drôle et émouvante.

Et on a quand même appris qu’il suffit de plier un rond (avec rudesse, parfois), pour qu’il rentre dans un carré…

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