Le titre de Morhad Amdouni aux championnats d’Europe d’athlétisme à Berlin a mis en lumière le 10 000 mètres et, plus globalement, le demi-fond long. Un feu de paille ou un vrai coup d’accélérateur ?
Morhad Amdouni et le demi-fond long tricolore peuvent remercier et Jimmy Vicaut et Kévin Mayer. Car si les ischios du sprinteur n’avaient pas une nouvelle fois sifflé, entravant sa route vers un titre continental qui lui semblait promis ; et si Kévin Mayer s’était présenté à mi-parcours de son décathlon sur les bases du record du Monde au lieu d’abandonner à l’issue de la longueur, où il a mordu à trois reprises la plasticine, Morhad Amdouni aurait-il fait la Une de L’Equipe en ce mardi 7 août ?
Question de rhétorique.
21 heures et quelques, dans les entrailles du stade olympique de Berlin. Zone mixte, sise quelques mètres en contrebas du tartan berlinois. Là où entre des murs sans âme se rencontrent journalistes et athlètes.
Les envoyés spéciaux français s’agglutinent autour de Philippe Dupont, intarissable sur “son” Morhad Amdouni, qui vient de glaner le titre européen sur 10 000 mètres quelques minutes plus tôt. Soudain, bruissement et vibrations des téléphones portables. On murmure le forfait de Jimmy Vicaut pour la finale du 100 mètres, disputée une demi-heure plus tard.
Les rédactions doivent gérer l’imprévu, remiser au frigo (c’est le jargon), voire au congélo les papiers sur la trajectoire non linéaire de Vicaut, qui étaient déjà presque sous presse.
L’ombre de l’indifférence générale laisse entrevoir la lumière
Et aller quérir une foultitude d’infos sur Amdouni : parcours, blessures, anecdotes. Le demi-fond français entrevoit la lumière, lui qui avait benoîtement été cantonné dans l’ombre, par exemple lors des championnats d’Europe de cross, pourtant disputé à domicile (Toulon-Hyères) fin 2015.
Au terme d’une course de très haut niveau, avec la sarabande oxygénée espagnole, les seniors Bleus avaient pris la 2e place par équipes (Florian Carvalho 6, Yohan Durand 8e, Morhad Amdouni 9e, Timothée Bommier 12e). Dans l’indifférence quasi générale…et à peine une page le lendemain reléguée au fin fond du seul quotidien sportif français.
Ce mercredi 8 août, Amdouni fait donc la Une de L’Equipe. Sur 5 000 m ou 10 000 mètres, ce n’était plus arrivé depuis un certain Michel Jazy.
L’agenda médiatique
C’est l’été, les vacances ; ce sont les championnats estivaux, la piste ; le foot n’a pas encore repris et comme à l’accoutumée, il faut se glisser entre les interstices de l’actualité. Ou comment les médias font leur propre agenda -consciemment ou non, faut-il le préciser.
Le demi-fond long en profite, grâce à son nouveau champion d’Europe du 10 000 mètres.
Par-delà ses chronos détonants après de longs mois hors jeu, par delà le propos parfois entremêlé, l’authenticité de Morhad Amdouni, son insatiable volonté, peut-être corollaire du fait “qu’il ne roule pas sur l’or” dixit Philippe Dupont (Amdouni a plusieurs fois susurré par le passé qu’il était “prêt à mourir sur la piste”) vont-ils faire des émules ?
Hier en prime time sur France Télévisions, les centaines de milliers de téléspectateurs qui ont assisté à sa victoire vont-elles se lancer à l’assaut des 25 tours de piste ?
Pour que le 10 000 mètres, discipline moribonde depuis une pléthore d’années mais qui a retrouvé un second souffle cette année dans le sillage d’Amdouni, de la comète François Barrer (dont les 27’55”95 ont ébaubi le microcosme) et de Florian Carvalho, qui a réussi avec brio son passage sur le 10 000 m (8e hier), ne retombe pas dans le triste anonymat qui l’enveloppe d’ordinaire.