« Qui ne peut pas prendre Valverde en exemple ? ». C’est ce qu’a osé déclarer en direct sur France 3 Laurent Jalabert, suite la victoire de l’Espagnol aux championnats du Monde de cyclisme, ce dimanche 30 septembre à Innsbrück en Espagne, devant le Français Romain Bardet.
Mais personne ne devrait le prendre en exemple !
Alejandro Valverde, pour rappel, a été suspendu deux ans, en 2010, pour son implication dans l’affaire Puerto (le Comité national olympique italien –CONI- l’avait déjà suspendu en 2009 de toutes compétitions sur le sol italien, et il n’avait pu, pour cette raison, disputer le Tour de France, qui faisait un crochet dans la Péninsule).
Affaire Puerto sur laquelle toute la lumière n’a pas été –et ne sera pas- faite.
Bien sûr, on peut toujours arguer le droit à la seconde chance. C’est même essentiel dans notre société, comme le rappelait le lanceur de marteau Quentin Bigot dans cette interview.
Revenu à une vitesse étourdissante
Mais que dire, quand on suit la courbe des performances d’Alejandro Valverde ? De retour de suspension, en 2012, ses résultats ont presque connu une ascension aussi rapide que la vitesse à laquelle il deboîte, alors que le poids des années aurait dû commencer à se faire sentir –il a aujourd’hui 38 ans.
Il fut ainsi numéro 1 mondial en 2014 et 2015, grimpa sur le podium du Tour 2015, et remporta entre 2014 et 2018 quatre fois la Flèche Wallonne (plus une deuxième place cette année derrière Julian Alaphilippe) et deux fois Liège-Bastogne-Liège, parmi moult autres succès.
Ah oui ! L’expérience, sans doute.
L’an dernier, il avait quitté prématurément le Tour de France, après une chute spectaculaire, qui signait, avait-on alors entendu, la fin de sa carrière.
Las, l’Espagnol revenait aux affaires à une vitesse étourdissante, et entamait l’année 2018 sur les chapeaux de roues –sûrement pas voilées, les roues.
Epoque révolue ?
« Il est présent sur l’ensemble de la saison. C’est un champion exceptionnel » clamait en substance Laurent Jalabert.
C’est peut-être ça, aussi, le problème : il existe des pics de forme, non ? Trois semaines après la Vuelta où il avait, quand même, craqué sur les deux derniers jours, Valverde a retrouvé le surcroît de fraîcheur pour s’imposer au Mondial à Innsbrück, quinze après sa première médaille lors d’un Mondial (la septième au total, la première en or).
Quinze ans après. C’est une époque désormais révolue, dit-on aujourd’hui, ce qui n’empêche pas, au demeurant, les médias de constamment vanter sans recul aucun les « champions » vainqueurs de classiques ou Grands Tours de cette période post années 90, marquée par l’EPO et un dopage galopants. A l’exception du banni Armstrong, bien sûr, que tant de médias avaient cajolé durant toute sa carrière.
Preuve que le cyclisme n’aurait pas –tant- changé que cela ?
Ce qui questionne, surtout, c’est l’absence totale de recul des commentateurs du service public. Si le journaliste Alexandre Pasteur a tout juste susurré, presque murmuré après un éloge du champion du Monde vétéran, le fait qu’il ait glané sa première médaille mondiale à l’orée des années 2000, en plein dans les « années toxiques » du cyclisme, c’était pour mieux, dans la foulée, scander sa grandeur d’âme.
« Humainement, il est au-dessus de la moyenne ».
Martin Fourcade avait tempêté
Quant à Laurent Jalabert (la seconde consultante, Marion Rousse est restée plus en retrait), il chante à longueur d’antenne l’éloge de l’Ibérique. C’est que « Jaja », idole des foules, défend ardemment sa profession, même avec un vent pleine gueule.
N’avait-il pas déclaré, en 2012, que Lance Armstrong restait « à ses yeux un immense champion » ?
Doit-on rappeler que des tests rétroactifs menés en 2004 et exhumés par une commission d’enquête sénatoriale avaient décelé la présence d’EPO sur des échantillons prélevés sur le fameux Tour 98 (lire ici et là) ?
L’annonce, rendue publique en juin 2013, l’avait obligé à renoncer à commenter le Tour de France 2013. Mais c’était pour mieux revenir aux affaires, l’année suivante.
Martin Fourcade avait alors tempêté : C’est une « honte que le service public l’embauche ».
Si, à plusieurs reprises, Laurent Jalabert fut moins enclin à s’enthousiasmer pour Christopher Froome -jouant là son rôle de consultant, il vante inlassablement les mérites de Valverde avec lequel il noue visiblement une certaine proximité.
« Alejandro Valverde est un magnifique ambassadeur du cyclisme » poursuivait avec verve le natif de Mazamet, numéro un mondial en 1995, 1996 et 1997 et sans doute ému par les larmes et la profonde joie de l’Espagnol.
Plutôt que de mettre en exergue le comportement d’un Tim Wellens, qui refuse les AUT, même après une piqûre d’insecte, ce qui avait conduit le Belge à se retirer du Tour de France en 2017, Laurent Jalabert a visiblement d’autres modèles.
Est-ce vraiment le bon exemple à montrer aux gamins des écoles de vélo?
Mais tant que personne, sur le service public, ne s’en émeut…