A quoi je sers ? – Rencontre #5 De la terre à l’assiette (Impacts Editions)

#RENCONTRE5, Oloron Sainte-Marie, Journée de Livres sans frontière, dimanche 13 mai.

 « Bah alors, tu étais où ? »

Il s’est bien marré, Cédric, de la librairie L’Escapade.

C’était mon premier salon, à Livres sans Frontières à Oloron Sainte-Marie. Je n’avais pas compris  qu’il fallait venir tout le week-end, en plus de la rencontre organisée le dimanche autour du thème de l’édition 2023, « de la terre à la plume ».

C’était mal parti, mais ça s’est bien fini.

C’est d’ailleurs bizarre, comme sentiment, d’être assis derrière une table avec ses propres livres. Des gens zyeutent, attirés…par quoi d’ailleurs ? La carotte ? Le titre ? Ils se saisissent du bouquin, le retourne, époussettent les mots, parcourent la quatrième de couverture, glissent un sourire ou un « bonjour », font trois pas en direction du stand voisin, en l’occurrence celui de Régis Faustin, qui photographie les bergers, les bergères, la montagne ; ou se dirigent vers celui de droite, celui de Florence Innecco qui vient de sortir son premier roman, Tourments en béarn – Le dimanche des violettes.

C’est touchant, aussi, de voir que les gens se racontent.

C’est touchant ; et cela donne de la force, et du sens.  

Didier, médecin généraliste tout juste la retraite, qui cite Camus. « J’ai été au fond de mon été invisible »

Les gens s’ouvrent et partagent. « Je peux te tutoyer ? Tu as l’âge de mon fils ». Cette dame retraitée, dont je n’ai pas eu le temps de tracer le nom sur mon carnet. De ses yeux bleus juvéniles : « mon frère habite à Perpignan. Là-bas, il y avait des jardins familiaux, ancêtres des jardins ouvriers. La mairie a interdit l’usage de l’eau pour les arroser ».

Le 6 avril 2023, la préfecture des Pyrénées-Orientales a publié un arrêté qui inclut l’interdiction formelle d’arroser les potagers. 

La sécheresse pointe, et les restrictions avec. « Tu te rends compte ? Les enfants ne peuvent pas voir le cycle de la vie, des légumes qui poussent ».

S’ils ne peuvent pas le voir avec les yeux ; alors il faut leur faire voir avec le cœur. Comme l’écrivaine Marie Pavlenko. L’écoute de son podcast m’a marqué, il y a quelques semaines, sur Arte Radio. « Comment parler de l’effondrement à mes enfants ? »

Enfant, Marie se souvenait des grandes vadrouilles pour partir en vacances. Toutes les deux ou trois heures, ses parents devaient s’arrêter pour débarbouiller le pare-brise, choyé d’insectes.

Mes parents ne se sont jamais arrêté l’été quand on partait en vacances, pour débarbouiller le pare-brise. Il y a beaucoup moins d’insectes.

LIRE UN ROMAN PEUT-IL REMPLACER UNE PROMENADE EN FORET ?

Marie Pavlenko cite Peter Kahn. Le chercheur parle « d’amnésie générationnelle environnementale. Savoir ne suffit pas. Il faut vivre l’expérience de la nature, pour déclencher une prise de conscience effective ».

Lire un roman peut-il remplacer une promenade en forêt ? La fiction peut-elle remplacer la perte de contact physique avec le vivant ? Marie Pavlenko est persuadée que oui. « Si l’expérience est vraie dans le roman, alors elle sera accueille par le lecteur ».

L’écrivaine écrit le nom savant des oiseaux, dans ses livres. « Cela rend très vivant la nomenclature scientifique. La langue, c’est le monde. Le monde, c’est la langue ». L’incarnation.

Parfois, durant mes périodes sombres surgissent de nouveau les doutes. « A quoi je sers ? Comment utiliser ma voix ? »

Pavlenko dit qu’elle reçoit de nombreux messages, d’enfants ou de parents qui écoutent désormais parler les oiseaux, et qui découvrent l’ornithologie.

« Secouer la planète, ça ne parle à personne. Ça ne touche personne », dit le pédologue Claudy Jolivet, en citant Bruno Latour. Ses conférences gesticulées sont un moyen d’inspirer les gens.  

Je découvre que la littérature trace ce lien charnel, sensoriel, avec Antoine et Bianca : des lectrices et lecteurs se rendent à Urrugne pour découvrir Arotzenia ; d’autres songent à ouvrir un restaurant nourricier ; d’autres mettent les mains dans la terre et se relient à Marie-Angèle, Clément, Mathilde, Laura, et à tous les autres.

Des gens au grand sourire se confient. « Tu connais la CCFD-Terres-Solidaires (Comité Catholique contre la faim et pour le développement) ? Nous organisons un Festival alimentaire, en novembre à Oloron, au centre social, avec la projection d’un film. Ça te dirait de venir ? »

Bah oui, bien sûr que ça me dit.

SE LAISSER CUEILLIR PAR LA VIE

C’était mal parti, mais ça s’est bien fini, donc.

Car c’était chouette, aussi de partager avec les autrices et auteurs, et les bénévoles du salon, Sophie, Régine, Bernadette, Nathalie, et bien sûr Christiane, qui a décortiqué et « post-ité » le livre pour animer la rencontre.

Ce salon, c’était aussi se laisser guider par les rencontres et discussions improvisées, nouveaux amis.

Les accents béarnais des villages ; les cultures locales ; la conscience écologique ou la non conscience, comme la taille du burger du Burger King qui plus gros que celui du Macdo ; c’est triste, au fond, mais ça fait rire, non ? ; les restaux à Paris où les clients sont informés que la commande est prête par texto – pas de portable, pas de repas, donc ; les profs qui pleurent et craquent quand ils se sentent inutiles quand les conditions de travail deviennent TROP ; ça c’est triste et ça ne fait pas rire ; des bouquins à lire, encore et toujours, comme Hadrien Klent (Paresse pour tous et La vie est à nous) ; l’enquête de l’anthropologue Bénédicte Bonzi, La France qui a faim, centrée sur le monde invisible du quotidien de l’aide alimentaire) ; ça, c’est triste, ça ne fait pas rire, mais c’est beau, quelque part.  

Ce salon, c’était aussi laisser la vie nous cueillir au fil des bouteilles rencontrées, avec Xavier, Jean-Baptiste, Jérôme.

Le mur est peut-être proche, mais voilà, ne pas oublier soi-même ; ne pas oublier de vivre, non plus.

Il paraît que le Kalimotxo, participe de cette vie. C’est un cocktail basque, vin et coca. On n’est pas sûr qu’il ait vraiment bon goût.

Ça, c’est de la culture. C’est beau, et ça fait rire.

Calendrier et comptes rendus des rencontres passées et à venir :

Jeudi 28 avril : Club de la Presse de Bordeaux (33) – carnet compte rendu #1

Vendredi 29 avril : Librairie La Curieuse, Arudy (64) – carnet compte rendu #2

Samedi 30 avril : Librairie le 5e art, Saint-Jean-de-Luz (64) – carnet compte rendu #3

Jeudi 11 mai : Librairie café Menta, Ossès (64) – carnet compte rendu #4

Dimanche 15 mai : Festival Livre Sans Frontière à Oloron Sainte-Marie (64) – carnet compte rendu #5 

Vendredi 19 mai : apéro littéraire Librairie La Rêverie Aire-sur-l’Adour (64)  – carnet compte rendu #6 

Mercredi 24 mai : Librairie L’Escampette, Pau (64) – carnet compte rendu #7

Jeudi 1er juin : Librairie Tandem, Mauléon (64) –  carnet compte rendu #8

Vendredi 16 juin : Amap Bernadets (64) – carnet compte rendu #9

Samedi 17 juin : Festival Le réveil des carottes, Oloron Sainte-Marie (64)

Jeudi 22 juin : chez le producteur Pietometi, Ogeu-les-Bains (avec la librairie La Curieuse, Arudy) (64)

Samedi 24 juin : Librairie La Grande Illusion, Hendaye (64) 

Jeudi 29 juin : Cafe Au Pais, avec la librairie Chez Gustave, Morlaàs (64)

Dimanche 2 juillet, 13h30 : Festival AgiTaterre, Lahage (31)

Samedi 16 juillet, 17 h : Festival international de Journalisme, Couthures-sur-Garonne (33)

Mercredi 13 septembre : Cueillette de l’Aragnon, Montardon (64)

Jeudi 14 septembre : Librairie-boutique Chez Margot, Cambo-les-Bains (64)

Samedi 16 septembre : Espace Culturel Leclerc, Niort (79)

Lundi 18 septembre : Gaztetxe (maison des jeunes), Ascain (64)

Vendredi 22 septembre, 19 heures : Librairie Page et Plumes, Limoges (87)

Vendredi 13 octobre, 18 heures : Librairie Georges, Talence (33)

Vendredi 27 octobre : La coulée douce, MJC Berlioz, Pau (64)

Samedi 28 octobre : La chouette qui lit, Marciac (32)

Jeudi 2 novembre, 19 heures : Café Climat à Aquiu, Pau (64)

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