#RENCONTRE7, Pau, Librairie L’escampette, mercredi 24 mai.
« Les histoires sont dangereuses. Un livre est un tapis roulant qui vous emporte loin. Un livre est une porte. Vous l’ouvrez. »
Cette citation de Jeannette Winterson costume l’intérieur de la librairie L’Escampette.
C’était me première rencontre dans une grande ville. Il n’y avait pas foule. « On a arrêté de chercher à comprendre » souffle Jérôme.
Il y avait huit personnes, précisément, dont Jérôme et Aline, les deux libraires. Dont trois copains et copines venu(e)s exprès : Allison, Pierre, Simon. Ça change quelque chose de parler à trois personnes, à trente personnes, à soixante personnes ?
Il y a peut-être moins de clés, mais toujours autant de portes.
Aline, qui raconte sa vie d’ancienne journaliste pigiste à Madagascar, avant de devenir libraire.
Jean-Noël, qui dit son enfance, qui dit le jardin de ses parents. Les fermes, dans son village des Landes si ma mémoire est bonne, qui disparaissent les unes après les autres. Les lotissements qui se créent sur la terre. La terre devenue béton. Les résiniers qui s’évaporent. Pas les sourires : nous sommes plusieurs à avoir compris qu’il était « résigné ». Jean-Noël, imperturbable, continue de raconter.
Lucia, architecte, qui abonde. « Arrêtons de construire, maintenant. Plus aucun bâti ! Les logements vacants sont légions ». Son parcours me rappelle celui de Bianca, dans le livre. Lucia est Brésilienne. Elle est arrivée dans l’Hexagone au début des années 1990. Un sac à dos, un peu d’argent, la gare Matabiau à Toulouse. « On m’avait dit que c’était une grande ville. Mais quand tu viens de Porto Alegre…J’avais l’impression d’être dans un village ! » Elle raconte les destructions des arbres, place de la Monnaie, au cœur de Pau.
Simon a passé l’après-midi aux côtés de l’association FEVE (Fermes En ViE). L’entreprise à mission, de l’Economie Sociale et Solidaire finance l’acquisition d’une ferme en location, avec option d’achat. Elle s’appuie sur l’épargne citoyenne et escompte par son action « changer le modèle agricole français, ferme après ferme ». Sa charte et ses valeurs portées participent à la souveraineté alimentaire des territoires (1). 7 fermes ont été financées à ce jour.
LA CHASSE AUX PAYSANS
Jean-Noël, toujours intarissable. Il parle du collectif Le Clodo à Toulouse. Le comité pour la destruction des ordinateurs avait « un certain goût pour le sabotage », pour paraphraser le livre d’Anne Carratié (éditions du Coquelicot, 2013) qui raconte le collectif.
Communiqué de l’époque, trouvé sur internet (2) : « Nous sommes des travailleurs de l’informatique, bien placés par conséquent pour connaître les dangers actuels et futurs de l’informatique et de la télématique. L’ordinateur est l’outil préféré des dominants. Il sert à exploiter, à ficher, à contrôler, à réprimer. Demain la télématique instaurera 1984, après-demain l’homme programmé, l’homme machine ». C’était dans les années 1980.
Jean-Noël sort un bouquin de son sac. Il est tombé dessus dans une boîte à livre. La chasse aux paysans, de Madeleine Lefrançois. Quatrième de couverture :
« Il ne faut pas confondre le paysan et l’exploitant agricole. L’exploitant agricole est intégré à la société industrielle et parfaitement rentable. Le paysan perpétue sur des terres trop pauvres ou trop exiguës un mode de vie radicalement différent : celui de la vieille civilisation rural qui a modelé tous nos paysages en France. Il est l’héritier d’une culture très riche et d’un rapport complexe et spontanément écologique avec la nature.
C’est cet homme que les technocrates européens pourchassent depuis les années 50 et veulent voir disparaître parce que « non rentable ».
Cette disparition largement entamée semble inéluctable. Les villages se dépeuplent ou sont envahis par des résidents secondaires qui ne leur donnent qu’une vie factice deux mois par an et les fins de semaine. Les commerçants et les artisans liés au monde rural ferment. La campagne devient peu à peu un désert.
Ce désert risque de devenir un roncier où la maintenance même des équipements publics minimums ne sera plus assurée, ni la sécurité. Plus grave peut-être, un paysage millénaire et beau, et surtout un certain rapport avec la nature risquent de disparaître à jamais. En dehors de l’univers de béton des villes surpeuplées et des grandes terres à céréales parcourues par les machines agricoles américaines, il n’y aura bientôt plus rien.
Les paysans sont cette frange muette de la société qui risquent d’emporter bientôt dans la tombe un secret essentiel à notre avenir : la mémoire d’une tradition d’équilibre avec la nature.
Madeleine Lefrançois. Journaliste à la Voix du Nord est née et a vécu à la terre et sait de quoi elle parle »
C’était en 1976.
Plus de cinquante ans plus tard. « Les histoires sont dangereuses. Un livre est un tapis roulant qui vous emporte loin ».
(2) https://cqfd-journal.org/La-balade-incendiaire-du-Clodo
J’aurais dû le faire dès le début, pour chaque carnet de rencontre.
Une série de livres, à partager, que l’on m’a conseillé. Voilà donc, en plus de celui cité plus haut
–On n’achève bien les éleveurs, Coordonné par Aude Vidal. Illustré par Guillaume Trouillard (L’Echappée).
–Cause animale, cause du capital, Jocelyne Porcher (Le bord de l’eau).
Calendrier et comptes rendus des rencontres passées et à venir :
Jeudi 28 avril : Club de la Presse de Bordeaux (33) – carnet compte rendu #1
Vendredi 29 avril : Librairie La Curieuse, Arudy (64) – carnet compte rendu #2
Samedi 30 avril : Librairie le 5e art, Saint-Jean-de-Luz (64) – carnet compte rendu #3
Jeudi 11 mai : Librairie café Menta, Ossès (64) – carnet compte rendu #4
Dimanche 15 mai : Festival Livre Sans Frontière à Oloron Sainte-Marie (64) – carnet compte rendu #5
Vendredi 19 mai : apéro littéraire Librairie La Rêverie Aire-sur-l’Adour (64) – carnet compte rendu #6
Mercredi 24 mai : Librairie L’Escampette, Pau (64) – carnet compte rendu #7
Jeudi 1er juin : Librairie Tandem, Mauléon (64) – carnet compte rendu #8
Vendredi 16 juin : Amap Bernadets (64) – carnet compte rendu #9
Samedi 17 juin : Festival Le réveil des carottes, Oloron Sainte-Marie (64)
Jeudi 22 juin : chez le producteur Pietometi, Ogeu-les-Bains (avec la librairie La Curieuse, Arudy) (64)
Samedi 24 juin : Librairie La Grande Illusion, Hendaye (64)
Jeudi 29 juin : Cafe Au Pais, avec la librairie Chez Gustave, Morlaàs (64)
Dimanche 2 juillet, 13h30 : Festival AgiTaterre, Lahage (31)
Samedi 16 juillet, 17 h : Festival international de Journalisme, Couthures-sur-Garonne (33)
Mercredi 13 septembre : Cueillette de l’Aragnon, Montardon (64)
Jeudi 14 septembre : Librairie-boutique Chez Margot, Cambo-les-Bains (64)
Samedi 16 septembre : Espace Culturel Leclerc, Niort (79)
Lundi 18 septembre : Gaztetxe (maison des jeunes), Ascain (64)
Vendredi 22 septembre, 19 heures : Librairie Page et Plumes, Limoges (87)
Vendredi 13 octobre, 18 heures : Librairie Georges, Talence (33)
Vendredi 27 octobre : La coulée douce, MJC Berlioz, Pau (64)
Samedi 28 octobre : La chouette qui lit, Marciac (32)
Jeudi 2 novembre, 19 heures : Café Climat à Aquiu, Pau (64)