Carnets de rencontres en librairie – De la terre à l’assiette (Impacts Editions)
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#RENCONTRE5, Aire-sur-l’Adour, Casa Fior avec la Librairie La Rêverie, vendredi 19 mai.

Julie est devenue éco-anxieuse il y a deux, trois ans. C’était presque ses premiers mots, quand j’ai franchi le seuil de sa librairie, une heure avant la rencontre. Une grosse heure plus tard, c’est ainsi qu’elle a l’a débutée, à demi-assise sur un tabouret, devant le comptoir et les gens du café – passé en mode bar, à cette heure-là. Le confinement, Julie l’a vécu dans les Hautes-Landes avec son compagnon. La première boulangerie était à douze kilomètres. A moins de vivre en autarcie…

Julie et son compagnon se sont depuis installés à Aire-sur-l’Adour. Chaque samedi matin, la vie vibrionne autour du grand marché de producteurs (dont pas mal de locaux) et l’arrêt obligatoire « Chez Juju », un café ou un verre de blanc ; un café et un verre de blanc. 

Julie culpabilise, souvent. Comme si le changement climatique, c’était uniquement sa faute. Quand elle prend sa voiture ; quand elle va au supermarché, quand quand quand. Combien sommes-nous à nous auto flageller pour chaque action qui n’est pas « éco-responsable » – faut dire comme ça, non ? Et la responsabilité collective, alors ?

Julie oublie qu’elle agit. Douze ans qu’il n’y avait plus de librairie à Aire-sur-l’Adour. Désormais, les passagers et passagères voyagent, rue Gambetta en plein centre-ville, lorsque leurs yeux joyeux découvrent « La Rêverie ». Elles et ils ne savent sans doute pas que Julie ne se verse pas encore de salaire, un an après l’ouverture.

Beaucoup de libraires vivent au SMIC. Certaines maisons d’éditions, dont celle-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom, limite la remise pour certains libraires à 30% sur la vente d’un ouvrage. Ces librairies ne reçoivent pas de livre de cette maison d’édition dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom, pour le « travailler » en amont, pour savoir quoi en dire aux futur(e)s clients et clientes.

L’objet livre est comme déshumanisé. C’est comme pour les fêtes écoles : vous achetez les gâteaux que vous avez vous-mêmes préparés afin de faire vivre l’asso de parents d’élèves.

La comparaison s’arrête là. Le livre, ce n’est pas la kermesse. C’est la culture, c’est l’ouverture, c’est l’enrichissement (d’abord pas pécunier, mais vous l’avez compris).

Antoine questionne, dans De la terre à l’assiette. « Combien d’assiettes à 20 euros faut-il pour rembourser un prêt de 300 000 euros ». Le parallèle est tout tracé : « combien de livres faut-il vendre pour en vivre ? »

Question subsidiaire, tout aussi essentielle : la course à la vente des livres, serait-ce participer au système de consommation dans lequel nous sommes englués ? Comment dépasser ce paradoxe, que je cherche aussi à déborder, néo-auteur ?

HORS LES MURS

Julie ne pousse pas à la consommation, justement. Elle a fait ça, dans une autre vie, à vendre des objets à des gens qui n’en avaient pas forcément ni les moyens, ni même peut-être le besoin. Elle ne s’y reconnaissait plus. Vraiment plus. Là, elle a appris à connaître chaque cliente, chaque client. Faut-il encore dire cliente, client, d’ailleurs ? Faut-il préférer associé(e), partenaire, un autre terme ?

Elle conseille, elle trouve du sens, chaque jour. Les gens achètent, ou n’achètent pas. Elle a gagné leur confiance. Comment ont-ils fait, les gens, sans librairie pendant douze ans ?

Elle ne le sait peut-être pas, Julie, mais elle dépasse son éco anxiété par ses actions qui sonnent justes. Elle songe à organiser un salon du livre singulier. Pas des autrices et des auteurs derrière des tables, mais des auteurs et des autrices qui iraient chez les gens.

A l’image des rencontres qu’elle organise hors les murs, aussi.

C’est comme ça que je me suis retrouvé à la Casa Fior, chez Fredo. Maryse tenait l’ancien Hôtel de la Paix, une institution, ici. La retraite approchait. Un jour, autour d’un verre, Maryse dit à Fredo qu’elle envisage la vente. Autour de 180, 190 000 euros. « Quoi ? Mais vends le 200 000 euros ! » lui suggère Fredo.

Vous savez quoi ? Bah oui, c’est Fredo qui l’a acheté 200 000 euros. Son rire rayonne. Elle s’est installée en février dernier. Elle s’en fout de l’argent, Fredo. Du moment qu’elle vive. « J’ai beaucoup de mal à faire payer les gens. C’est le plus dur, pour moi. Des amis barmans me l’ont dit : fais payer, sinon tu t’en sortiras pas ! » Au comptoir, les gens font eux-mêmes les comptes. « Elle nous oblige à calculer et à se souvenir de ce qu’on a pris ! » dit une dame, hilare.

LE COMPTOIR DEBIT DE VIE

Le prix du café dit l’endroit où vous vous trouvez. L’expresso coûte 1,20 euros. L’allongé pareil. « C’est juste de l’eau qui est rajouté, non ? » Le prix du verre d’alcool dit aussi le lieu. Le gin, la vodka, le rhum ? 2,50 euros, à la Casa Fior.

Le comptoir est un débit de vie. Fredo voulait être routier, jeune. Elle a fait histoire de l’art, au lycée à Aire (ici, on ne dit pas Aire-sur-l’Adour, comme si l’Adour s’était absenté ; à moins qu’il ne circule dans les veines de chacun et chacune ?). Elle a travaillé dans la boîte de platerie familiale. Elle y travaille toujours, d’ailleurs, et enquille ses 30 heures en trois jours : lundi, mardi, mercredi. Le jeudi, le vendredi, le samedi, elle marne au café. La transition s’assure. Bien sûr que « c’est difficile ». Mais son sourire et sa bonne humeur diffusent plutôt une joie de vivre.

Et puis c’est si bon, d’apprendre à connaître les habitudes de Lucien, qui se place là, à droite au comptoir ; et de Monique, qui se place à gauche, à 8h15 (1), et parcourt les pages de Sud Ouest.

Fredo veut lancer des « artpéros ». Raconter Soulages, Klimmt, Picasso, Magritte (d’ailleurs tatoué sur son bras) aux gens d’ici. Pas de surplomb, pas d’élitisme, mais de la simplicité. « Soulages, ce n’est pas seulement du noir. Si c’était si facile, pourquoi y’aurait pas plus de gens à peindre du noir ?! »

Derrière le comptoir, sur l’ancien mur qui exhale encore le torchis de poil de chevaux, l’affiche Stade Toulousain – Avenir Aturin fait la fierté de Fredo. Le club évoluait alors dans le championnat de France. « Il n’y a toujours pas les années sur les affiches ? » questionne un homme. Wikipédia renseigne : c’est peut-être bien la saison 1984-1985.

Sinon, Aturin désigne les habitants d’Aire-sur-l’Adour. Ça date de l’époque gallo-romaine quand Aire était un axe et un carrefour importants. Aire a disposé de trois gares, il y a plus d’un siècle. La Gare principale du Midi (puis SNCF) reliait Mont-de-Marsan à Tarbes ; la Gare du C.B. (Cie des Tramways à Vapeur de la Chalosse et du Béarn) Aire à Amou ; la Gare du P.O.M. (Cie du Chemin de fer Pau-Oléron-Mauléon) Aire à Pau (2).

Il n’y a plus de gare, aujourd’hui, à Aire. Il n’y en a plus depuis 1970. « Section de ligne déclassée », dit Wikipédia. Il y a des lignes de bus pour Mont-de-Marsan, Auch, Tarbes, mais pas pour Pau.

Aire n’est plus un carrefour. La voiture, la grande distribution, ont changé la cartographie de la ville et des villages alentours.  

Le fille de Fredo, qui a pas mal bourlingué : « Si tu es au collège à Saint-Sever, à trente kilomètres d’ici, tu es obligée de partir, il n’y a pas de lycée. On s’est fait bouffer par « Montde » ». « Montde », c’est Mont-de-Marsan. C’est le lot de tous les villages autour d’Aire, grande bourgade d’un peu plus de 6 000 habitants. Les jeunes partent pour étudier, pour travailler. Ils aiment revenir au moment des fêtes de villages, cadencées par les peñas.  

LA TETE DECAPITEE ET LA FONTAINE
La Casa Fior véhicule ce passé, ce présent, ces légendes, aussi. L’église Sainte-Quitterie, au cœur de la cité. Quitterie a été décapitée par son prétendant, auquel elle s’était refusée. Une fontaine jaillit à l’endroit même où sa tête tomba à terre. Deux anges, poursuit la légende, lui auraient ensuite demandé de prendre sa tête dans ses mains et de se rendre à l’oratoire Saint-Pierre où l’attendait un sarcophage (2).

Aujourd’hui, c’est la tête des paysannes et des paysans qui est mise à prix. Fredo s’inquiète : la grippe aviaire décime les exploitations. Une fontaine jaillira-t-elle, dans ces exploitations ?

Aire est toujours un carrefour sur le chemin de Compostelle, pour celles et ceux qui déploient leur corps comme véhicule.

Il n’y a pas, en revanche, de vélos en libre-service comme dans les grandes villes.  Une dame, croisée en arrivant à deux roues chez Julie, à la librairie, s’apprêtait à rentrer chez elle avec son vélo électrique, à 10 kilomètres. « Je mets la batterie en haut de la bosse, pour me relancer ». Elle l’a mettait en bas de la bosse, il n’y a pas si longtemps.

Une autre dame, au café. « Moi aussi, j’aimerais tant que mes ados aillent au collège en vélo, situé à sept kilomètres de notre village voisin. Mais c’est trop dangereux ! Il n’y a pas de pistes cyclables ».

Je l’ai expérimenté, sur la route entre Pau et Aire, à longer les immenses champs cernées d’épandage : les voitures débaroulent, les bas-côtés n’existent pas ; se laisser aller à la flânerie relève de la douce folie.

Cela me fait penser à Scott Slovic, écrivain et professeur en humanités environnementales à l’University de l’Idaho : et si nous écrivions toutes et tous des lettres ouvertes à la mairie pour que fleurissent de vraies pistes cyclables (3) ?

FLEUR DE CAFE

Si Aire n’est plus le carrefour qu’elle fut, la Casa Fior, dans les pas de l’Hôtel de la Paix, en est toujours un.

Je croise un retraité qui a travaillé dans la planification alimentaire, pour les Nations Unies, au Sahel ; en Ukraine, en Russie, en Corée ; un paysan retraité qui a passé son après-midi à déguster des armagnac, et qui raconte, haut en couleurs, le prix du pain, les tonnes de farine, en francs, en euros, à se perdre un peu, avouons-le, dans les conversions ; un attaché parlementaire qui croit en son métier (« Nous sommes des artisans de la conscience ») ; une dame qui a bossé deux bonnes décennies au cœur des « politiques des quartiers prioritaires de la ville » en région parisienne, qui a fini par remplir des tableaux Excel, à ne pas être entendue, loin du terrain, qui s’est « cassée », qui participe depuis à revitaliser le centre-ville d’Aire, qui trouve du sens à s’engager pour la SSA (Sécurité Sociale de l’Alimentation), et qui interroge : « comment on prend le pouvoir collectivement, au sein d’une entreprise ? Comment on prend collectivement la responsabilité sur notre mode de vie, sur notre production puisque c’est nous qui travaillons ? »

Elle demande à Fredo si elle peut mettre une affiche de la Fête de la nature. Elle a trouvé le naturaliste qui parlera des oiseaux…par le biais de la Fédération des chasseurs français.

La vie est d’une douce complexité. Bien sûr que Fredo peut.

Je croise une autre dame. Elle était partie en vacances 10 jours à Barcelone, avant les années 2000. Elle y restée 15 ans. La vie l’a ensuite emmenée au Chili. Quand elle est revenue à Barcelone, elle n’a pas reconnu la mégalopole. Le petit port de plaisance ? Des yachts énormes, dit-elle. Les boutiques locales ? Des marchands de souvenirs sans âme.

« Un grand Dysneyland ». Elle a dû faire à peu près tous les métiers possibles et imaginables. Elle est aujourd’hui AED, ici. Ça veut dire assistante d’éducation. Ça veut dire pionne, en vrai. Pourquoi les mots sont-ils dépossédés de leur sens ?

Je ne suis pas à Disneyland, là, mais à la Casa Fior – Fredo avait pensé à le nommer Café de Fior, « mais pas sûr que les gens ici aient la référence », se marre-t-elle.

J’étais à Aire et j’avais l’impression de reprendre mon immersion au Royaume-Uni, plus d’un an et demi après l’avoir quittée.

A peine le temps de s’attacher à un lieu et aux gens qu’il faut déjà partir. Sur la route du retour, le vélo mélancolique lit les noms des villages. Geaune, Segos, Riscle. Je les ai entendus au café pendant des heures. Ils ont des visages, désormais. J’ai envie de m’y arrêter, de me plonger dans leur histoire, dans leur présent, dans leur gens.

L’éco anxieté se dissipe dans l’action quotidienne.

(1) Prénoms inventés : le carnet n’a pas eu le temps de tout consigner

(2) Source : ” Les petits trains de Jadis “, tome 7, Sud-Ouest de la France par Henri Domengie

(3) https://www.lepelerin.com/chemins-pelerinages/les-etapes/aire-sur-l-adour-landes-4101

(4) https://www.ecrirelanature.com/en/actualites/scott-slovic-l-engagement-par-le-poids-de-la-plume

#RENCONTRE5, Oloron Sainte-Marie, Journée de Livres sans frontière, dimanche 13 mai.

 « Bah alors, tu étais où ? »

Il s’est bien marré, Cédric, de la librairie L’Escapade.

C’était mon premier salon, à Livres sans Frontières à Oloron Sainte-Marie. Je n’avais pas compris  qu’il fallait venir tout le week-end, en plus de la rencontre organisée le dimanche autour du thème de l’édition 2023, « de la terre à la plume ».

C’était mal parti, mais ça s’est bien fini.

C’est d’ailleurs bizarre, comme sentiment, d’être assis derrière une table avec ses propres livres. Des gens zyeutent, attirés…par quoi d’ailleurs ? La carotte ? Le titre ? Ils se saisissent du bouquin, le retourne, époussettent les mots, parcourent la quatrième de couverture, glissent un sourire ou un « bonjour », font trois pas en direction du stand voisin, en l’occurrence celui de Régis Faustin, qui photographie les bergers, les bergères, la montagne ; ou se dirigent vers celui de droite, celui de Florence Innecco qui vient de sortir son premier roman, Tourments en béarn – Le dimanche des violettes.

C’est touchant, aussi, de voir que les gens se racontent.

C’est touchant ; et cela donne de la force, et du sens.  

Didier, médecin généraliste tout juste la retraite, qui cite Camus. « J’ai été au fond de mon été invisible »

Les gens s’ouvrent et partagent. « Je peux te tutoyer ? Tu as l’âge de mon fils ». Cette dame retraitée, dont je n’ai pas eu le temps de tracer le nom sur mon carnet. De ses yeux bleus juvéniles : « mon frère habite à Perpignan. Là-bas, il y avait des jardins familiaux, ancêtres des jardins ouvriers. La mairie a interdit l’usage de l’eau pour les arroser ».

Le 6 avril 2023, la préfecture des Pyrénées-Orientales a publié un arrêté qui inclut l’interdiction formelle d’arroser les potagers. 

La sécheresse pointe, et les restrictions avec. « Tu te rends compte ? Les enfants ne peuvent pas voir le cycle de la vie, des légumes qui poussent ».

S’ils ne peuvent pas le voir avec les yeux ; alors il faut leur faire voir avec le cœur. Comme l’écrivaine Marie Pavlenko. L’écoute de son podcast m’a marqué, il y a quelques semaines, sur Arte Radio. « Comment parler de l’effondrement à mes enfants ? »

Enfant, Marie se souvenait des grandes vadrouilles pour partir en vacances. Toutes les deux ou trois heures, ses parents devaient s’arrêter pour débarbouiller le pare-brise, choyé d’insectes.

Mes parents ne se sont jamais arrêté l’été quand on partait en vacances, pour débarbouiller le pare-brise. Il y a beaucoup moins d’insectes.

LIRE UN ROMAN PEUT-IL REMPLACER UNE PROMENADE EN FORET ?

Marie Pavlenko cite Peter Kahn. Le chercheur parle « d’amnésie générationnelle environnementale. Savoir ne suffit pas. Il faut vivre l’expérience de la nature, pour déclencher une prise de conscience effective ».

Lire un roman peut-il remplacer une promenade en forêt ? La fiction peut-elle remplacer la perte de contact physique avec le vivant ? Marie Pavlenko est persuadée que oui. « Si l’expérience est vraie dans le roman, alors elle sera accueille par le lecteur ».

L’écrivaine écrit le nom savant des oiseaux, dans ses livres. « Cela rend très vivant la nomenclature scientifique. La langue, c’est le monde. Le monde, c’est la langue ». L’incarnation.

Parfois, durant mes périodes sombres surgissent de nouveau les doutes. « A quoi je sers ? Comment utiliser ma voix ? »

Pavlenko dit qu’elle reçoit de nombreux messages, d’enfants ou de parents qui écoutent désormais parler les oiseaux, et qui découvrent l’ornithologie.

« Secouer la planète, ça ne parle à personne. Ça ne touche personne », dit le pédologue Claudy Jolivet, en citant Bruno Latour. Ses conférences gesticulées sont un moyen d’inspirer les gens.  

Je découvre que la littérature trace ce lien charnel, sensoriel, avec Antoine et Bianca : des lectrices et lecteurs se rendent à Urrugne pour découvrir Arotzenia ; d’autres songent à ouvrir un restaurant nourricier ; d’autres mettent les mains dans la terre et se relient à Marie-Angèle, Clément, Mathilde, Laura, et à tous les autres.

Des gens au grand sourire se confient. « Tu connais la CCFD-Terres-Solidaires (Comité Catholique contre la faim et pour le développement) ? Nous organisons un Festival alimentaire, en novembre à Oloron, au centre social, avec la projection d’un film. Ça te dirait de venir ? »

Bah oui, bien sûr que ça me dit.

SE LAISSER CUEILLIR PAR LA VIE

C’était mal parti, mais ça s’est bien fini, donc.

Car c’était chouette, aussi de partager avec les autrices et auteurs, et les bénévoles du salon, Sophie, Régine, Bernadette, Nathalie, et bien sûr Christiane, qui a décortiqué et « post-ité » le livre pour animer la rencontre.

Ce salon, c’était aussi se laisser guider par les rencontres et discussions improvisées, nouveaux amis.

Les accents béarnais des villages ; les cultures locales ; la conscience écologique ou la non conscience, comme la taille du burger du Burger King qui plus gros que celui du Macdo ; c’est triste, au fond, mais ça fait rire, non ? ; les restaux à Paris où les clients sont informés que la commande est prête par texto – pas de portable, pas de repas, donc ; les profs qui pleurent et craquent quand ils se sentent inutiles quand les conditions de travail deviennent TROP ; ça c’est triste et ça ne fait pas rire ; des bouquins à lire, encore et toujours, comme Hadrien Klent (Paresse pour tous et La vie est à nous) ; l’enquête de l’anthropologue Bénédicte Bonzi, La France qui a faim, centrée sur le monde invisible du quotidien de l’aide alimentaire) ; ça, c’est triste, ça ne fait pas rire, mais c’est beau, quelque part.  

Ce salon, c’était aussi laisser la vie nous cueillir au fil des bouteilles rencontrées, avec Xavier, Jean-Baptiste, Jérôme.

Le mur est peut-être proche, mais voilà, ne pas oublier soi-même ; ne pas oublier de vivre, non plus.

Il paraît que le Kalimotxo, participe de cette vie. C’est un cocktail basque, vin et coca. On n’est pas sûr qu’il ait vraiment bon goût.

Ça, c’est de la culture. C’est beau, et ça fait rire.

#RENCONTRE4, Ossès, Librairie Café Menta, jeudi 11 mai.

Dans la nuit couleur orge

Nos questions dilemmes, corps sueur

Nous tressautent à la gorge

Devons-nous accepter la Dotation Jeunes Agriculteurs ?

Devons-nous être dans le système

Et ramasser et l’argent et les subventions ?

Mais nous pervertir et nos valeurs et notre foi soudain blêmes 

Ou bien, scission

Ne pas y être ?

Mais nous précariser pour nos idées

Mais indépendants et carrément congruent, fine fenêtre

Aux volets vaincus des vents criés

Pourquoi ils ne nous disent pas,

Les élus

Installez-vous bienvenues, venez cultiver vous avez raison, plutôt nourrir

Nous sommes perdues

C’est le matin

Brun

Pascale exaspérée

« On ne sait plus rien faire de nos mains »

La terre le jardin la pelouse, robots gouvernés

Les initiatives les assos les collectifs les tiers lieux

Composer un autre possible désirable

Mais, dit un participant, il manque un grand tout, cieux

En est-on vraiment si loin, feuille arable ?

C’est un autre matin

Lin

Nous ne subissons plus les éléments, le langage

Nous ne sommes pas des cheffes d’exploitations

Mais des paysannes, mages

Des cheffes de cuisine, nous faisons désertion

Des « artisans cuisiniers », de ce nouvel imaginaire

Nous créons de la joie

Et partages savoir faire

Soie

« Ne marchons plus sur nos têtes » a dit Noémie

« Mais sur nos pieds »

Sur nos jambes nos vélos nos échasses, fleuris

Observer le vivant mutilé le vivant chatoyé 

« La bonne voie »

A répondu Noémie

« C’est toi qui la trouveras »

A l’agricultrice dépaysée, sourit

Au cafe Menta

Charlotte refait commun

L’eau la terre l’air les liens les meubles, les ça

Humains

Ce n’est pas un café ce n’est pas une librairie, dans le bourg d’Ossès

Les gens y lisent le journal

C’est un lieu de vie, une caresse

Des élèves dans l’après-midi du lycée maraîchage

Y font court dans le bois exhume

Des bottes et des livres, branches épandage

La terre et la plume

S’y blottent  

« J’aime regarder les gens vivre »

Dit Charlotte

Lent temps enivre

Toujours à l’étage, des livres des concerts des ateliers théâtre et cyanotype

Dessinent la sensibilité

Au goût de tulipe

Retrouvée

Dans la nuit couleur forge

Sourient les dits l’aime

Les sucres d’orge

Sèment

Un grand merci à Charlotte aux vous toutes et tous présent(e)s à Ossès, pour votre accueil chaleureux.

#RENCONTRE3, Saint-Jean-de-Luz, Librairie Le 5ème Art, samedi 29 avril.

Avant la rencontre, mon cœur un peu électrique

La crainte, toujours, de ne pas avoir été fidèle, ne pas avoir compris ne pas avoir transmis

Au moment de raconter des vies

Comment Antoine et Bianca ont-elles reçu le livre crique ?

Mes yeux plantés dans les yeux bleus clairs d’Antoine

Bianca n’avait pas pu venir

Les mots scions

Pourquoi dire ce qu’il faut d’abord ressentir, intime moine ?

Christelle de la librairie du 5e art demande à Antoine si ce n’est pas un sacrifice

De nourrir au prix juste

Comme les productrices et producteurs le légume et le fruit au frontispice

Il répond que les services du midi et du soir depuis des années, brusques

Et dans son corps,

Imprimés

Pour quelle destinée ?

Que les « mains calleuses »

Des artisans paysans

Racontent leur humanité moelleuse

Il n’y a pas de sang

Dans les ventricules vingt-quatre heures sur vingt-quatre des machines automates

Dans certaines les produits locaux du territoire se carapatent

Il n’y a plus de lien humain mais l’artisan paysan se repose

Alors sur quel fil danser 

Sans tomber ?

Et dans tout cela où place-t-on le vivant rose

Reprend Christelle

Voyager du Béarn au Pays Basque

Les yeux étoffes de flanelle

L’Envol

Pédaler les jambes dans le paysage

Qui murmurent à l’oreille d’Eole

La tête sans plus de chronomètre, vogue mage 

Se souvenir des doigts vers purs

Des sapins bourgeons printemps

Par-delà le soleil pluie rêver les montagnes vertes

Bientôt l’éboulement

Pour sauver sa perte ?

Arotzenia le restaurant association

C’est l’expérience d’un autre modèle économique

Le refus des subventions

Ancrée dans la chaire, viatique

« Quand on achète un fonds de commerce 300 000 euros, combien d’assiettes

à 20 euros pour rembourser 300 000 euros ? »

Antoine, sans balbutier

Calculs en miettes

 « On a traduit l’aliment en produit financier »

Comment vivre avec ses convictions ?

Sans être dissonant ?

En rassemblant ?

Ça fait beaucoup de questions

Et juste avant les pintxos

La poésie c’est faire dit Christelle

Comme Antoine s’ouvrir et cuisiner à l’os

La poésie répartie la poésie dentelle

Du grec « Poiein », « fabriquer, produire, créer, en parlant d’objets, de constructions, d’œuvres d’art »

La terre jardin

Planter phare

S’émerveiller des vers, saints

La poésie délicatesse

Repeindre notre relation au vivant

Tendre justesse

Nouvel enfant nouveau printemps ?

Source de l’étymologie « poème », Alain Rey, Dictionnaire Historique de la langue française, Le Robert.

Eboulement au col du Pourtalet, reportage France 3 Pau : ICI.

#RENCONTRE2, Arudy, La curieuse Librairie Troquet, vendredi 28 avril.

Il y a les échos aux questions qui résonnent dans la solitude de la nuit, des heures après qu’elles aient étaient posées. « Tes actions quotidiennes ont-elles changé depuis que tu as écrit le livre ? »

C’est comme si les chants béarnais, espagnols, chiliens, humains de l’après-rencontre coloraient d’une autre vibration ma réponse première.

J’aurais ajouté, alors, dans le petit théâtre de verdure qui jouxte la librairie de Marianne : la dissonance cognitive, cet écart entre ce que je crois au plus profond, et mes actes, m’est de plus de en plus difficile à gérer. Des morceaux d’angoisses naissent, aussi, qui ne me chaviraient pas la nuit il y a encore quelques semaines.

Le frémissement à l’idée de se dire que la question cruciale de l’eau sera ensanglantée. Elle l’est déjà. La colère au moment de réserver un billet de train à plus de 100 euros pour se rendre à Paris. Les 10 euros supplémentaires pour mettre le vélo dans un TGV. Les 5 euros dans l’Intercité. Mais pourquoi le billet ne coûte-t-il pas dix euros de moins PARCE QUE le voyageur et la voyageuse choisissent de prendre le train ?

JUSTESSE

Parfois, je me dis que je vais prendre l’avion, pour faire Pau-Paris, ou Bordeaux-Paris. Et puis non, ce n’est pas possible. Parce que cela ne sonne PAS JUSTE. Parfois, j’achète des cacahuètes et des chips au supermarché du coin. Taux de résilience alimentaire ? 0%. Bah ouais, il y a encore du chemin. Mais rien ne sert de culpabiliser : ce n’est pas le sentiment moteur de l’action et du changement.

La jouissance de se transporter par le corps l’est. Je l’ai encore davantage, depuis l’écriture du livre. Le vélo, de jour comme de nuit. Cela change l’appréhension du temps, de l’environnement, de soi et des autres. Cela permet aux pensées de s’échapper et de courir, aussi.

Je me déplace en vélo car c’est JUSTE pour moi de le faire ; cela crée des bribes de sens quand rien ne fait plus sens. Comme c’est JUSTE pour Antoine et Bianca de faire ce qu’ils font chaque jour.

Il est 6 heures du matin ce samedi, les mots se sont bousculés au creux de l’oreiller. Gueule de joie. J’ai ouvert la fenêtre et les mots sont venus, chantés par le pétillement des oiseaux, exaltés par les sourires et les interactions de la rencontre. Arotzenia est à Urrugne. L’auberge associative d’Antoine et de Bianca est fermée le vendredi soir. Elle était comme ouverte, à 150 kilomètres de là, chez Marianne à Arudy. L’assiette est un messager.

Je crois qu’il y avait de l’émotion, tout au fond, de voir cet intérêt pour tous ces mois de travail autour de la question alimentaire, de l’expérimentation et de l’autre possible que proposent Antoine et Bianca. Et la joie profonde de constater que oui, le récit et le journalisme littéraire a un impact ; aussi minime soit-il. Que tous les doutes et les questions qui jaillissent peuvent se transformer en mise en mouvement, en action.

C’était comme une mise à nu, de parler à vous toutes et tous, la plupart des visages connus : nous avons passé des matins entiers, et des soirées entières, à se désespérer du monde, et à espérer le monde.

J’étais à domicile, chez Marianne mais je me suis demandé où j’habite, réellement. A la montagne ? A la vallée ? A la campagne, là-bas tout au Nord, du côté de Sainte-Soline, dont la violence m’a saisi aux entrailles sans que je ne le comprenne vraiment sur le coup, à pas même 20 kilomètres de là où j’ai grandi ? Appartient-on à un territoire ? A des territoires ?J’ai du mal à réaliser cette alchimie qui s’est opérée hier soir.

Faire corps

Nous avons fait corps, me semble-t-il. Nos voies ont suggéré, presque d’une seule bouche : et si on ne lançait pas une action pour inscrire la notion de risque d’approvisionnement alimentaire dans le plan de sauvegarde communal, comme à Biriatou ? Et si on ne participait en masse aux réunions publiques SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) ? Pas grand monde n’avait entendu parler du document d’urbanisme qui fixe les grandes orientations stratégiques de la Vallée d’Ossau pour les vingt prochaines années. Et si nous investissions l’espace public ?Allez, il est temps de se rendre à la Librairie Le 5ème Art à Saint-Jean-de-Luz.

Rencontre à 17 heures, ce samedi 29 avril (la troisième au total après le Club de la Presse de Bordeaux – Nouvelle-Aquitaine jeudi 28), aux côtés d’Antoine et Bianca.

J’ai envie de dormir, je me dis qu’il serait plus aisé d’appuyer sur la pédale d’accélérateur du van. Et puis j’ai pensé à Antoine : comment fait-il, le matin, quand son corps meurtri lui intime de rester au lit ? Il va au marché, comme tous les mardis et les vendredis. Ce sont les tripes qui parlent : c’est JUSTE.

Hier soir, il y avait une soixantaine de personnes et des centaines d’action individuelles JUSTES. La fatigue cède devant l’allègement et la libération que produisent l’écriture ; devant les jambes et le cerveau dopés à l’ivresse et aux rires de nos échanges humains. En vélo donc, Simone. Un immense merci à Kristian, Mattias, Eléonore et Maude de l’équipe de L’Étable d’Ossau pour leur participation (permise par l’initiative Pépites en stock des Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine) et leur délicieux petit tapas, dont les valeurs de la fourche à la fourchette sont similaires à celles de Bianca et d’Antoine.

Un immense merci à Marianne, de la Librairie la Curieuse Troquet, pour la soirée et pour son action quotidienne, ou comment remettre de la vie et de la joie dans un village par les livres, l’enthousiasme et les rencontres.

Un immense merci à Sarah, Jean-Pierre, Adeline, Maxime, Allison, Pierre, Clément, Françoise, Jean-Bernard, Fred, Emma, Christine, Sébastien, Norbert, Nicolas, Anaelle, Thomas, Nathalie, Vincent, ça y est j’ai déjà oublié vos autres prénoms mais je me rappelle vos visages et vos sourires.

Merci à vous toutes et tous d’être venu(e)s si nombreux et nombreuses.

Pour commander le livre : ICI.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur Impacts Editions.

#RENCONTRE 1 Jeudi 28 avril, Club de la presse de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine de La Presse de Bordeaux.

Je me rends compte qu’un livre est un carrefour. Les mots sont des clés ; les pages, des portes ; les rencontres, autant de chemins et de pistes qui s’ouvrent.

Jean-Baptiste CASENAVE est vice-président de l’Institut du Goût Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux. « L’acte de manger produit des conséquences environnementales, sociales. Nous souhaitons en faire prendre conscience. Si je consomme de l’Ossau Iraty, je contribue à la structure et à la beauté des paysages en montagne. Si je consomme de la tomate en hiver, j’entretiens une mer de plastique en Espagne ».

La responsabilité est-elle du fait du consommateur ? De la société par l’offre proposée ? Des deux ?

« On ne vote pas avec sa carte de crédit » dit Jean-Claude Balbot, que je cite dans le livre. La précarité alimentaire concerne plus de 7 millions de personnes (chiffres mars 2021, COCULAPA), en France. Balbot est un partisan de la Sécurité Sociale Alimentaire (SSA) ; cette carte vitale de l’alimentation est discutée et expérimentée dans plusieurs régions en France.

Quelle voie collective allons-nous prendre ? Quelles voix souhaitons-nous faire entendre ?

Dans le livre, je raconte aussi le parcours de Clément et Mathilde, bergers sans terre. Ils expliquent aux gens qui s’arrêtent en vente directe au col d’Arthe, au-dessus de Saint-Jean-Pied-de-Port, pourquoi ils ont refusé l’appellation Ossau-Iraty. « Tiens, regarde : la croûte n’est pas lisse, et il y a un trou. Ça ne passerait pas, pour l’AOP ». Leur fromage a le goût de la tendre rusticité. Le cahier des charges sur l’aspect des fromages concourt à les standardiser et les uniformiser, disent-ils. Ils ne veulent pas participer à ce « jeu industriel, où l’on se sert de notre image de la montagne pour vendre du fromage ».

Les échanges rebondissent. Lisa Wyler partage un papier de Capital. Le journal explique que l’inflation alimentaire (+15,8% sur les douze derniers mois, selon l’Insee) serait deux fois moindre que le panier bio moyen. « Le prix entre le bio et le conventionnel tend à se réduire car l’inflation est moins forte sur le bio », explique à Capital Romain Roy, fondateur et CEO de Greenweez, le leader de l’e-commerce bio (racheté par Carrefour en 2016). « Les raisons ? À la différence de la filière traditionnelle, le bio utilise moins d’engrais, de pesticides (les intrants agricoles), de transports, d’emballage, de transformation et donc d’énergie ».

Entre ces quelques chiffres, des nuances, des humains, de la complexité.

Et puis le regard pivote vers l’autre côté de la Méditerranée. Walid Bourouis est journaliste tunisien. Il dit les restrictions d’eau actuelles. « Coupures entre 21 heures le soir et 5 heures le matin ». Dans un pays où le mot dictature est de plus en plus employé pour qualifier le régime en place, la Tunisie est frappée par une cinquième année consécutive de sécheresse. « Le barrage le plus important du pays est rempli…à 17 % ».

Quelle voie collective allons-nous prendre ? Quelles voix souhaitons-nous faire entendre ?

Un très grand merci à Pauline Even et Richard Hecht pour l’organisation et l’animation de la rencontre. Et pour tous les projets réalisés et tous ceux qui se profilent au Club de La Presse à Bordeaux.

Pour en savoir plus sur la situation en Tunisie :

https://information.tv5monde.com/afrique/tunisie-des-restrictions-dans-l-utilisation-d-eau-pour-faire-face-la-secheresse-493860

https://www.amnesty.fr/actualites/tunisie-derive-autoritaire-du-president-kais-saied-la-chronique

https://www.courrierinternational.com/article/vu-de-tunisie-kais-saied-digne-heritier-de-ben-ali

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