CARNETS DE RENCONTRE #19, lundi 18 septembre, Kilika Gaztetxea (maison des jeunes), Ascain (64)
« Debekatua dago ez… » Et le mur anaphrase écoule une rivière de verbes en basque.
« Il est interdit de ne pas écouter.
Il est interdit de ne pas parler.
»
Kilika Gaztetxea (la maison des jeunes en basque) d’Ascain n’accueille presque jamais un cercle de chaises. D’habitude, la musique monte et les bouteilles descendent.
Ximun et Gaizka, à peine majeurs, organisent cette année un cycle de conférence sur l’alimentation. La première, c’est ce lundi soir.
« Il est interdit de ne pas aimer » poursuit la grande fresque. En face de grand pan de mur, un long comptoir qui précède l’autre pan de mur, tapissé d’un drapeau basque ; du drapeau de la Navarre ; de multiples affiches, comme celui-ci qui réclame la liberté pour les prisonniers basques (Extera).
Antoine et Bianca impulsent un mouvement, à Arotzenia. Conscientiser, montrer et ouvrir une autre voie possible, surtout aux plus jeunes. Antoine et Bianca leur disent : vous avez la possibilité du modèle industriel, et vous avez la possibilité d’un autre modèle alimentaire. Plus nourricier ; plus juste ; plus sensible ; plus sage.
Ce soir, Antoine transmet des années de savoir ; des années de lectures, tard le soir ou tôt le matin, ou les deux, avant et après des journées entières en cuisine. Les centaines de pages du rapport Afterres Solagro. « Je vous le recommande » dit-il.
Des années d’un certain ascétisme ; parcourir des pages et des pages pour apprendre et donner ensuite à comprendre. Curiosité ne rime pas avec satiété.
Cuisinier, rappelle Antoine, c’est celui qui donne à manger, celui qui cuit.
« Issu (1155) du bas latin cocina, altération du mot classique coquina, « lieu où l’on cuisine » et « art du cuisinier », dérivé de coquere (cuire) », renseigne Le dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey.
Cuire, c’est la culture. Le cru, c’est la nature.
Des années de labeur, télévision éteinte, ont forgé un discours clair, précis, concis, qui inspire et donne le désir, en retour, de la curiosité. Du latin « curiosus », dérivé de « cura », « soin, souci ».
Antoine envisage la ferme et la cuisine par le prisme de la structure sociale et du droit d’usage ; et pas par l’angle du bâtiment social et du droit de propriété. L’accès à l’outil de travail, le foncier, pose la question de la propriété commerciale. C’est par ce biais là qu’il aborde les changements sociétaux.
Antoine s’est trop appauvri pour pouvoir se payer un fonds de commerce. « Une valeur que l’on donne à un chiffre d’affaire et à une clientèle ». Ses yeux oscillent entre ses pieds et le cercle de chaises, silencieux attentifs. « Une valeur que l’on donne à du vent ».
Compresser les coûts du gaz et de l’électricité, fixés au plus haut niveau, ce n’est pas possible. Quels leviers actionner, dès lors ?
L’exploration le conduit à Hasparren, BPREA maraîchage bio. Un salaire d’apprenti, à 36 ans. « Une remise en question assez forte » euphémise-t-il.
Antoine cuit les mots comme l’archéologue détoure des fragments au pinceau. « J’ai compris que la spéculation sur la terre agricole correspondait à la spéculation immobilière, et vice versa. Et que cela entraînait une spéculation sur l’assiette ».
Ces années de recherches ont abouti à la création avec Bianca d’Arotzenia, une association loi 1901, « à but non lucratif ». Faire du bénéfice, oui, mais « pas de dividende ; personne ne capte la plus-value. Toute la différence va au paysan ».
Arotzenia construit un salaire pour la chaîne alimentaire agro paysanne territoriale, pour déposer les méfaits de l’agro-industrie.
« Tu vas construire tes besoins, ici », dit-il à Ximun, en apprentissage depuis quelques mois dans les cuisines de l’auberge. Arotzenia propose un rythme de travail plus lent que le modèle industriel ; plus connecté et adapté aux besoins des salarié(e)s. La perspective est inversée.
Antoine est autodidacte : « Je ne voulais pas aller à l’usine, j’ai vu mon père toute sa vie aller à l’usine ». Il y a ce qui est dit, et ce qui n’est pas dit. Il n’y a parfois pas besoin de dire, pour comprendre.
Antoine a appris, il continue d’apprendre, il apprendra. « J’ai deux enfants, de 16 et 21 ans. Quel monde je leur laisse ? »
Ximun et Gaizka ont peu ou prou l’âge de ses enfants.
« Il est interdit ne pas apprendre » clôture la fresque.
Il est aussi interdit de ne pas transmettre ces soins.
Calendrier et comptes rendus des rencontres passées et à venir :
Jeudi 28 avril : Club de la Presse de Bordeaux (33) – carnet compte rendu #1
Vendredi 29 avril : Librairie La Curieuse, Arudy (64) – carnet compte rendu #2
Samedi 30 avril : Librairie le 5e art, Saint-Jean-de-Luz (64) – carnet compte rendu #3
Jeudi 11 mai : Librairie café Menta, Ossès (64) – carnet compte rendu #4
Dimanche 15 mai : Festival Livre Sans Frontière à Oloron Sainte-Marie (64) – carnet compte rendu #5
Vendredi 19 mai : apéro littéraire Librairie La Rêverie Aire-sur-l’Adour (64) – carnet compte rendu #6
Mercredi 24 mai : Librairie L’Escampette, Pau (64) – carnet compte rendu #7
Jeudi 1er juin : Librairie Tandem, Mauléon (64) – carnet compte rendu #8
Vendredi 16 juin : Amap Bernadets (64) – carnet compte rendu #9
Samedi 17 juin : Festival Le réveil des carottes, Oloron Sainte-Marie (64) – carnet compte rendu #10
Jeudi 22 juin : chez le producteur Pietometi, Ogeu-les-Bains (avec la librairie La Curieuse, Arudy) (64) – carnet compte rendu #11
Samedi 24 juin : Librairie La Grande Illusion, Hendaye (64) – carnet compte rendu #12
Jeudi 29 juin : Cafe Au Pais, avec la librairie Chez Gustave, Morlaàs (64) – carnet compte rendu #13
Dimanche 2 juillet, 13h30 : Festival AgiTaterre, Lahage (31) – carnet compte rendu #14
Samedi 16 juillet, 17 h : Festival international de Journalisme, Couthures-sur-Garonne (33)
Dimanche 3 septembre, 16 heures: Fête du jardin – verger, Conservatoire des Légumes Anciens du Béarn (Assat) – carnet compte rendu #16
Dimanche 10 septembre : Salon “bal(l)ade littéraire”, Lons (64) – carnet compte rendu #17
Samedi 16 septembre : Le rendez-vous politique de l’ Alliance des tables libres et vivantes, Gennevilliers, Paris – carnet compte rendu #18
Lundi 18 septembre : Kilika Gaztetxea (maison des jeunes), Ascain (64)
Vendredi 22 septembre, 19 heures : Librairie Page et Plumes, Limoges (87)
Jeudi 28 septembre : Librairie-Boutique Chez Margot, Cambo-les-Bains (64)
Jeudi 5 octobre, 20h30 : Echiré (79), avec la librairie des Halles, Niort
Samedi 7 octobre : université d’été de La Gauche Républicaine, Rochefort (17)
Vendredi 13 octobre, matin : rencontre national du réseau CIVAM, Saint-Etienne de Baigorri (64)
Vendredi 13 octobre, 18 heures : Librairie Georges, Talence (33)
Jeudi 19 octobre : Librairie les mots du zèbre, Eysines (33)
Vendredi 20 octobre : restaurant Chat noir cha vert, place Saint-Michel, Bordeaux (33)
Samedi 21 octobre : Auberge Arotzenia, Urrugne (64)
Vendredi 27 octobre : La coulée douce, MJC Berlioz, Pau (64)
Samedi 28 octobre : La chouette qui lit, Marciac (32)
Jeudi 2 novembre, 19 heures : Café Climat à Aquiu, Pau (64)
Samedi 25 novembre : Festisol, Emmaüs, Pau (64)
Samedi 9 décembre : Espace Culturel Niort (79)